CORONAVIRUS « UN INSTANTANÉ DE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19 »


Enregistrement : 18/03/2020

Comme à l’occasion d’autres grandes crises - plus ou moins sérieuses - de ces dernières années, qu’il se soit agi du fameux « bug » de l’an 2000, des attentats du 11 septembre 2001, du crash financier de 2008 ou de l’apocalypse maya du mois de décembre 2012, La Spirale a fait tourner un court questionnaire, identique pour tout le monde, autour de la pandémie du coronavirus (Covid-19).

L'occasion de recueillir les impressions d'artistes, d'écrivains, de performeurs et de freaks d'obédiences variées, afin de produire une sorte d'instantané, particulièrement révélateur du temps de ce que l'OMS qualifie de « crise sanitaire majeure de notre époque ». La liste des personnes interrogées sera mise à jour, ci-dessous, au rythme des réceptions de leurs réponses :

Ron Athey
Pakito Bolino
Tinam Bordage
Marie-Claire Cordat
Otomo De Manuel
Ken Goffman alias R.U. Sirius
King's Queer
Annie Lam
Nicolas Le Bault
André Éric Letourneau
Jean-Marc Ligny
Filo Loco
Joachim Montessuis
Hikiko Mori
Nicolas Nova
Kiki Picasso
Marc-Louis Questin
Stéphane Roy
Norman Spinrad
Antoine St. Epondyle
Jean-Michel Truong
Anne Van der Linden
Damian Weber

En vous souhaitant de traverser cette crise dans les meilleures conditions possibles. Prenez soin de vous, de vos proches et des autres.

Avec une pensée toute particulière pour les personnes touchées, ainsi que pour toutes celles et ceux qui luttent sur l'avant-front, que ce soit dans le secteur médical ou afin de prévenir une trop grande « rupture de la normalité ».


Propos recueillis par Ira Benfatto et Laurent Courau.






RON ATHEY

Artiste et performeur américain, associé aux courants de l'art corporel et de la performance extrême, Ron Athey explore les relations entre le désir, la sexualité et les expériences traumatisantes, en confrontant les idées reçues sur la normalité corporelle, la masculinité et l'iconographie religieuse.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Cette pandémie, je la vois comme la première d’un évènement annoncé depuis longtemps. Ma première réaction est toujours d’être impitoyable, d’être un vrai connard et juste d’ignorer ce qu’il se passe. Imagine que les sex-clubs et les saunas redeviennent subversifs à nouveau !

Je vois le parallèle avec les primaires du parti démocrate, juste quand Biden prend la tête devant Bernie et que j’ai eu le sentiment de ne pas pouvoir empêcher ces cons d’Américains de voter contre leurs intérêts vitaux, une fois de plus… Subitement, nous nous trouvons en confinement ! Et l’échec du gouvernement à fournir des tests, parce que qui va les payer ?

Cette ère de négligence malsaine touche à son paroxysme et remet la lutte des classes (qui frise le génocide) sur l’avant-scène. La situation est réelle, ça se passe en direct. Ce qu’il reste à voir, c’est si ce constat aura gagné l’inconscient collectif, une fois le calme revenu. Nous avons la chance, à nouveau, de pouvoir nous concentrer sur autre chose que le profit et l’argent, on verra comment ça va tourner.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Je me suis mis en quarantaine ! À côté de ma frénésie artistique (performer, produire, parler, enseigner) qui se trouve à l’arrêt, je pratique une thérapie du corps déclinée du Rolfing Structural Bodywork. Un massage musculaire en profondeur, même intra-nasal, et un travail buccal sur les troubles de l'articulation temporo-mandibulaire (ATM).

Il y a quelques jours, j’ai travaillé sur un client et je me suis dit que c’était trop dangereux pour moi ! Donc je mets ça sur pause. Juste en ce moment, j’ai pas mal d’activités sur ma boutique en ligne, avec le t-shirt Bloody Disgrace et ma nouvelle monographie Queer Communion.

Donc je m’occupe de mes commandes en ligne et reste à l’intérieur. Heureusement, et pour rajouter à l’humeur ambiante, la Californie du sud est sous la pluie et l’orage depuis huit jours, ça aide à rester chez soi. Combien de films de vampire peut-on visionner en une semaine ? Ou trier ses fichiers ! Je m’inquiète si ça dure trop longtemps pour le revenu des artistes et amis en indépendant, thérapeutes et travailleurs du sexe. De difficiles moments sont à venir, mais on se soutient dans nos petits réseaux.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

À part le virus VIH que j’ai contracté en 1987, et le fait d’avoir 60 ans dans deux courtes années, j’ai eu une splénectomie (en lien avec le VIH) en 1990, et je sais que certains types de pneumonies pourraient me tuer en une heure. J’ai des frissons et des courbatures pour une simple infection des gencives ! C’est ça qui m’a fait décrocher du mode rien-à-foutre.

De plus, l’année où j’ai emménagé à Londres était apparue l’épidémie de grippe A (H1N1), je m’étais rendu à une petite soirée défonce et en deux jours, 10 sur 12 des participants sont tombés méchamment malades, dont moi. Je suis resté au lit un mois ! Donc oui, je fais super attention. Ces derniers jours en tout cas, je ne vois que les gens dont je sais qu’ils ont pris les mêmes précautions que moi durant la semaine qui vient de passer, ma fille Zachary Drucker et ma pote Karen Lofgren.

On s’est mutuellement aidés pour les courses et pour la bouffe. La semaine dernière, ma maison était pleine de gens, Lydia Lunch et son groupe, plus mon occasionnel colocataire de New-York. J’aime la solitude et je l’encaisse. Je pourrais avoir un tout autre discours la semaine prochaine, mais la contemplation et les recherches me sont bien utiles, ce weekend.

Du cannabis à fumer, à manger, prier pour que ma performance au Texas ait toujours lieu en juin ! Le temps passe, de toutes les manières. J’essaie de comprendre ce confinement et de soutenir ma petite communauté (maintenant bien définie !). Et de développer les aspects de ma personne que j’ai négligés, maintenant que la notion du temps s’est en apparence effondrée.




PAKITO BOLINO

Sérigraphe, coloriste, auteur de bande-dessinée, commissaire d'exposition, réalisateur de films d'animation et musicien, Pakito Bolino est le cofondateur du Dernier Cri, un collectif d'artistes hors-normes qui évolue aux antipodes de la narration et de l'illustration conventionnelle.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ?

Comme d'habitude, je produis une autre forme d'infection.

Que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

J'attends la suite pour me prononcer...

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Plus accès a mon lieu de production. Heureusement, j'ai un « bunker garage », mais je peux plus envoyer mes livres. Donc, il va falloir vendre des masques.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ?

Scans, ordinateur, viande et gribouillis.

Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Economiser pour se payer l'intégrale du Dernier Cri, quand ce sera accessible et développer sa propre forme de virus pour combattre les autres.



« Dessin de confinement » © Pakito Bolino




TINAM BORDAGE

Créateur, programmateur et président du Sadique Master Festival, le festival parisien du cinema underground, déviant et extrême, Tinam Bordage est également l'auteur des Dossiers Sadique Master, une dissection du cinéma de genre, dans ce qu'il comporte de plus choquant et pathologique.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Je réagis à cette pandémie avec pragmatisme et relativisme, tout en évitant de céder aux instincts grégaires que l'on peut observer dans les actualités. Dans un climat de ce genre, tout est exacerbé. On discerne très clairement tout ce que l'on a pu étudier autour de la psychologie des masses, des réflexes conditionnés, etc. Pour ma part, je suis tiraillé entre ma fascination pour l'eschatologie à la fois fantasmée et ancrée quand même dans le réel, à ce rapport à sa propre mortalité induit par les « risques » de la situation actuelle.

En exemple de relativisme, j'ai même sur les réseaux sociaux dressé un comparatif des points négatifs et positifs de cette pandémie, et on reste sur un ratio assez équivalent. (bien que discutable). Peut-être est-ce mon côté misanthrope qui s'exprime, mais je ne crois pas une seule seconde que nos institutions agissent d'une quelconque façon dans l’intérêt « collectif » mais que comme dans chaque situation de détresse, ils vont chercher l’intérêt et le bénéfice.

J'ai lu quelque part que ce virus « testait » les différents régimes politiques des pays. C'est pertinent. Et je pense qu'il teste aussi la société et l'humanité en général. Il y aura un avant et un après. Mais dans l'état actuel des choses et dans les grandes lignes, les choses restent semblables avec davantage d'intensité : les dépressifs continuent de déprimer, les complotistes d’émettre leurs théories, les sceptiques de tout remettre en question...etc.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Sur mes activités, l'impact a été immédiat puisque le Sadique Master Festival que j'organise devait se produire le week-end où tous les événements du pays ont été annulé (ou, comme pour nous, « reporté ») et tous les endroits publics non essentiels fermés. Je ne peux pas non plus livrer les DVD Sadique-mater qui sont désormais prêts car la poste est fermée. Il en va de même pour mes livres. Par contre, cela me laisse plus de temps pour travailler chez moi, mettre en place différentes choses, réfléchir à des projets, à continuer d'écrire sur mon roman (qui traite notamment, bien que les effets soient différents, d'un virus bactériologique – ironie de la chose), etc.

J'applique sinon un quotidien assez proche de celui que j'ai habituellement, à la seule différence des sorties parfois le vendredi et/ou samedi soir. Sinon, je reste essentiellement la semaine dans mon appartement à créer. Je pense que la principale différence dans la situation actuelle est de « savoir » qu'on ne peut pas le faire – même si habituellement on ne le fait jamais ou presque . Le principe de contrainte est surement ce qui nous impacte le plus dans ce confinement.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Le dernier week-end avant le confinement fut très particulier puisqu'il signe aussi l'annulation du Sadique Master Festival pour lequel de nombreux amis des quatre coins de France et de l'étranger étaient venu. Donc, bloqués sur Paris et l'esprit accaparé par la recherche d'une alternative pour « sauver » l'annulation de l'événement, nous nous sommes retrouvé à faire une énorme fête dépravée et décadente qui a duré tout le week-end ; et ce jusqu'à perdurer la chose en appartement durant la nuit du samedi, lorsque tous les lieux « publics » ont fermé. Autant dire que la potentialité d'exposition au virus lors de ce week-end (durant lequel nous n'avions clairement pas toutes les informations actuelles) était très élevée pour nous tous ; mais dans l'insouciance, la folie et la transgression du moment que l'on considérait paradoxalement (consciemment et/ou inconsciemment) comme une « dernière orgie avant la fin du monde » – nous nous sommes évertués à finir la chose en apothéose. Désormais, je m'en tiens aux règles de la quarantaine et limite mes déplacements à l'essentiel.

Je pense qu'il ne faut pas voir ce confinement comme une punition mais plutôt une occasion de se recentrer sur soi-même, d'apprendre à vivre en autonomie. Prenons aussi conscience de cette rare opportunité de pouvoir rester chez soi sereinement sans culpabiliser de ne pas contribuer à la société de consommation.




MARIE-CLAIRE CORDAT

Cofondatrice du célèbre Pez Ner, haut lieu de l’underground lyonnais des années 1990, Marie-Claire Cordat est une performeuse, plasticienne et activiste française, dont le travail n'hésite pas à bousculer les normes et dénoncer les schémas d'oppression.

Le monde fini commence.
~ Paul Valéry

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

En tant qu'anarchiste depuis toujours, qu'artiste au RSA, que gilet jaune de Montpellier et des alentours et que femme anti-patriarcat capitaliste, on se demandait dans le mouvement comment bloquer l’économie, le néolibéralisme et voilà que le coronavirus bloque toute l’économie mondiale ! Incroyable ! Virus révolutionnaire ! Les touristes sur les paquebots, confinés, les députés confinés, les élections confisquées, les bourses dévissées !

Nous devons vivre autrement, préparer une Écodémocratie, réaliser la Décroissance, pour en finir avec ces « malades mentaux qui nous gouvernent », nous surveillent et organisent le saccage des pays (Argentine, 2001), en privatisant les ressources essentielles comme l’eau. On a dit des gilets jaunes, comme des anarchistes, qu’ils étaient violents et insignifiants. Or ce sont les politiciens et les institutions (européennes, FMI, OMC..), les élites prédatrices, les banques, les patrons des multinationales qui violentent les peuples, les travailleurs et les précaires. Les ultra-riches se goinfrent depuis longtemps et ça devient absurde.

Le coronavirus a mis en relief l’absurdité et la dangerosité des délocalisations. En Italie, ils n’ont pas de masques protecteurs, car ils n’en fabriquent pas et personne n’a voulu leur en vendre rapidement, car chacun se les garde ! Dans sa tournée, le virus révèle l’irresponsabilité des gouvernements ; en fait de faire du « principe de précaution », le résultat est que la France est en retard sur la propagation du virus, aussi il y a des morts. Macron était au théâtre et on incitait 40 millions de personnes à aller voter (inutilement) dans les mairies. Pendant quinze jours, Macron a fait le beau et est même allé jusqu’à dire que « voter est aussi important que se nourrir ». « Manger et regarder le roman du président à la télé », c’est tout ce qu’on demande aux Français, puisque Disneyland est fermé !

Mais tout va bien en Macronie, les élites payées à être payées, qui se paient notre tête font du télétravail et les pauvres mettent des becs de canards sur le nez et du gel sur leurs pattes serrées dans le métro. La mondialistion, c’est un camp de concentrations, des camps et des centrales ! À défaut de médicaments made in china, on a un virus accessible aux pauvres !

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Peut-être que tout ça n’est qu’un vaste exercice mondial pour les maîtres du monde, ces assassins en costard qui veulent installer leur nouvelle dictature technologique avec un capitalisme de surveillance à la Orwell (1984).

C’est l’heure H, pour une Autonomie Radicale !

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Quant à mon quotidien, il ne change pas. Au RSA depuis presque trois ans, je dessine, j’écris, je lis, je me ballade dans la garrigue, tout à pied, pas de permis, ni travail, ni exposition, ni enfant, ni bagnole, je fume (trop cher), je bois du rhum « comme un baba en fleur » (année 1980) ; le virus n’affecte pas ma vie, laquelle est en révolution permanente et solitaire. Je fais aussi les manifs, des actions, je bosse à plein temps sans gagner un seul euro, comme beaucoup de militants, de gilets jaunes, de gilets rouges et noirs, d’artistes au RSA et autres poètes ou lanceurs d’alerte non formatés.

Pas de salaire pour la révolution à plein temps ! Ou le salaire, c’est la convivialité retrouvée ! L’intelligence collective et populaire contre les autocrates autoritaires, c’est la seul chose que nous pouvons faire. Il y a beaucoup de belles personnes autour de moi, qui ne peuvent pas libérer leur force créatrice : censure, répression, manques de moyens. L’Europe avec l’autre, la facho Anne Van Der Leyen, est contre les européens.

Je me sens plus vivante et plus riche intérieurement que tous ces pantins du système. J’ai peur (mes poumons ahah, le poumon de la planète), aussi mais d’autre peur que celle dictée par les médias, peur que le monde sensible, que l’humble, que l’humide disparaisse à jamais.

Indien signifie être « humain, humble ». Un être libre de créer en permanence, car la vie est mouvement. Les tsunamis d’images ne sont qu’une langue publicitaire, un blabla technocratique qui n’est en réalité qu’un arrêt sur image, une illusion, un rêve à acheter.

L’Apocapitalisme a commencé, il y a longtemps, et se révèle virulent à chaque fois que nous tombons dans l’esclavage le profit et l’aliénation.




© Robin Daniel

OTOMO DE MANUEL

Comédien, auteur et metteur en scène, Didier Manuel, connu sous le nom de scène d'ODM Otomo, a été le fondateur de la compagnie Materia Prima Art Factory, du Totem à Maxéville et du festival Souterrain, avant de poursuivre son exploration du corps, des humanités et du sexe, sur d'autres scènes et dans d'autres contextes.

Comment réagissez vous à cette pandémie ?

Fraîchement rentré du Cameroun, puis d'Inde, finalement j'ai eu du mal à prendre la chose avec gravité. Et toujours un peu, je l'avoue. Si tu considères que dans ces deux pays, la potentialité d'agents mortifères invisibles est quasi omniprésente dans l'air, comme dans l'eau. Entre les fièvres typhoïdes, la lèpre, la tuberculose, le choléra, le paludisme, les bactérioses, les parasitoses et les amibes, tu n'as pas fini de transpirer. 

Et puis, ce n’est pas la première apparition d'un méchant virus à laquelle j'assiste. Le Sida restant celui qui, il faut bien l'avouer, a créé chez moi le plus d'angoisse. Ce non-dit. Cette propagation rampante dont on ne parlait qu'à demi-mots, dont on ne savait rien, et qui pointait sourdement certaines catégories de populations, les rendant de facto coupables, parias. Au début des personnes, déjà stigmatisées. Les homos, les toxicos, jusqu’à ce que plus personne ne soit à l’abri. Un peu comme dans La Peste de Camus. Tout le contraire de ce à quoi nous assistons aujourd'hui, finalement. Au moins, le Covid-19 met tout suite tout le monde sur un pied d’égalité. Je garderai à vie les images de mon mentor, quelques jours avant sa mort au début des années 1990. On aurait cru un décharné tout droit sorti de Nuit et Brouillard.

Après, Sagesse ma compagne, ainsi que toute sa famille, faisant partie du corps médical, nous avons été informés très tôt de la gravité potentielle de la situation. Résultat des courses, je me suis retrouvé confiné dès samedi. Juste après mon retour express de Paris et l'annulation du Cabaret Décadent. Depuis, je suis les consignes, car je n’ai pas les compétences pour juger. Et je vois bien que le milieu hospitalier est plus qu’inquiet. Dans mon entourage proche on parle de plusieurs mois de galère, pas de quinze jours. Wait and see.

Qu’en pensez vous et que pensez vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que les réactions de nos congénères humains ?

Je trouve intéressant qu'une chose invisible, qui défie la notion de frontières, autant géographiques que corporelles, puisse paralyser la totalité de notre système prétendument si sophistiqué. Intéressant aussi d'observer ce rapport à la mort des sociétés modernes, qui se situe entre arrogance et confinement, bravades et tremblements. Finalement cocasse de voir qu'une grippe nous fait plus flipper que l'ensemble de notre arsenal nucléaire et militaire. Tous les pays réunis, nous avons de quoi faire péter quinze fois la planète, mais on manque de masques et d'assistance respiratoire dans les hôpitaux pour contrer un gros rhume. Avoue que c'est dingue. Tout le monde veut que tout pète et beugle à la révolution, mais chacun ferme sa bouche devant une pneumonie. C’est intéressant que la vie nous rappelle de temps en temps qui est le patron.

Quand tu penses que le H1N1 de la grippe espagnole a fait à peu près 50 millions de morts, on a toujours pas compris où se situaient nos intérêts et nos priorités. De l'inconvénient de n'être que des singes finalement. Il y une limitation épistémique qui semble contraindre les potentialités de notre savoir et falsifier nos processus de raisonnement. Si bien que même si les choses donnent l'impression de progresser, nous semblons incapables de ne pas inlassablement répéter les mêmes conneries. 

L'ironie de l'histoire, c'est que Bill Gates avait tiré la sonnette d'alarme il y a trois ou quatre ans déjà. Mais tout le monde s'en fout des sonnettes d'alarme. Si ce n'était pas le cas, les gens préféreraient lire de la science-fiction, plutôt que de regarder Cyril Hanouna. Dans la science-fiction, tout a été dit et prédit. Toutes les hypothèses ont été anticipées et modélisées depuis longtemps. Les problèmes, autant que les solutions. 

D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle, de tous les imaginaires possibles, je déteste le post-apocalyptique. Ce nihilisme absolu, où il faut garder la foi pour reconstruire tout ce que tu avais déjà et que tu as détruit par stupidité et avidité, alors que ton espérance de vie se retrouve planifiée à moins de vingt-quatre mois. Horrible. 

Bref, je pense qu'une fois que cette tempête virale sera passée, tout reviendra exactement comme avant. Ce jusqu'à l'arrivée apocalyptique du géocroiseur Apophis prévu pour 2029 qui va engendrer le prochain vent de panique. Là aussi, la grande parano de Jacques Attali. Il nous prévient depuis plus trente ans que nous sommes dans la zone rouge et qu'il faudrait qu'on s'organise collectivement, si on ne veut pas assister un jour à notre propre extinction en tant qu'espèce, pulvérisé par un astéroïde en perdition. Mais encore une fois, à part peut-être Elon Musk qui semble préparer tranquillement, mais sûrement, sa porte de sortie vers Mars, tout le monde s'en branle. 

Au milieu de ce bordel ambiant, les gouvernements gèrent à la boussole comme d'habitude. Comme ils peuvent. Essayant de répondre et d'anticiper au mieux les exigences complexes d'un électorat de zombies à la Romero qui, lorsqu'il panique, se rue dans les supermarchés pour dévaliser les stocks de PQ. Ainsi, les types essaient de donner la meilleure réponse et espérer ainsi être réélus. En l'état, ils se démerdent pas trop mal. Beaucoup trop tard mais pas trop mal. N'en reste pas moins que nos pauvres toubibs et personnels hospitaliers seraient moins enlisés dans cette galère si on avait anticipé et si on conscientisait mieux où se trouvent nos priorités. 

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Pour le reste, ma vie continue comme j'ai pris l'habitude de la vivre depuis quelques années. C'est à dire, rester le plus possible chez moi, sauf quand j'ai des prestations à faire. Éviter mes congénères, que je comprends de moins en moins et qui me font de plus en plus flipper, malgré tout l'amour et l'empathie que j'ai pour eux. M'inventer des systèmes de réenchantement du quotidien et des processus ludiques d'occupation spatio-temporel. Relire Warren Ellis et Alan Moore. Travailler sur l'arc narratif d'un roman initiatique à l'époque médiévale pendant que Sagesse dessine des canevas faits de centaines de petits points de couleurs différentes, mis bout à bout. Tester des recettes de cuisine et bien manger en ayant fait le pari de tenir dix jours, voir quinze, avec seulement 80 € de courses pour deux. Faire du yoga pour rester serein face à la crise financière qui va suivre tout ce merdier et risque de ne pas du tout arranger mes éternels problèmes de tune.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez vous votre quotidien ?

Bon, j'avoue que parfois j'ai des réflexes de mon adolescence qui me traversent l'esprit. Savoir en un ou deux coups de file, y a toujours moyen de récupérer un gun quelque part. Mais j'évacue vite. Ce truc-là, c'est comme le paludisme quand tu l'as chopé, même si toute ta vie tu travailles à t'en débarrasser, de temps en temps tu as ce frisson qui te parcourt le corps qui te rappelle que toi aussi tu es malade. Du coup, pour me changer les idées et ne pas rentrer en mode « seul contre tous / survival / parano », je publie sur mon mur une petite Chronique de mon nouveau monde, à l’heure du confinement.

Le conseil pour passer du temps pendant cette période de confinement ? Je dirais, se préparer joyeusement à ne pas repartir comme avant, une fois tout ça terminé. Profiter de cet arrêt forcé pour s'arrêter vraiment et bifurquer vers ailleurs. Essayer autre chose, de plus posé, de plus joyeux, de plus pérenne. Ce virus nous prouve que la notion de frontière est une fake news. Nous sommes une seule planète, une seule humanité, et quand quelque chose atteint l'un d'entre nous, c'est toute l'espèce qui est niquée. Du coup, quand ce merdier sera derrière nous, on pourrait peut-être arrêter de cavaler les yeux rivés sur nos pompes, tout ça pour bosser comme des esclaves en attendant une hypothétique retraite. Peut-être essayer de se redresser un peu pour regarder les étoiles même si au début ça fait un peu mal à la nuque... Oups, désolé... j'étais en train de rêver...je me suis endormi sur la dernière question.




KEN GOFFMAN alias R.U. SIRIUS

Cofondateur du magazine Mondo 2000, bible de la cyberculture californienne du début des années 1990, Ken Goffman est également parolier et l’auteur de Counterculture Through the Ages, le premier livre d’Histoire consacré aux modes de pensées subversifs.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Je ne sais pas ce qu’il en est de la France, mais les États-Unis connaissent une sorte d’excès de dysfonctionnement, que je crois assez unique, qui se manifeste aujourd’hui par le fait que nous ayons moins d’accès aux tests pour ce virus que certains des pays les plus pauvres au monde. Ou par un discours tellement confus des autorités qu’il conduit les gens à faire la queue durant des heures, serrés les uns contre les autres, pour pouvoir sortir des aéroports, etc. Et c’est un mal qui nous ronge depuis longtemps. Nous n’avons jamais été capable de construire de lignes de trains à grande vitesse en Californie, nous n’avons rien reconstruit en lieu et place des tours jumelles du World Trade Center, avant un long moment. Et même dans les années 1990, à San Francisco, nous avons été incapable de reconstruire le Bay Bridge à la suite du tremblement de terre de 1989, avant un laps de temps ridiculement long.

J’appelle cela l’esprit du « pas-possible » (« can’t do » spirit), puisque le mythe veut que l’Amérique soit le pays du « possible » (« can do country »). Je veux dire, regardez notre situation avec les sans-abris ! C’est la merde à tous les niveaux et je pense que ce qui se trame ici ne s’explique même plus par l’hyper-capitalisme ou la décentralisation de l’État sous l’éthique républicaine. Il s’agit d’une espèce de maladie psychique étrange, collective et sous-jacente. William S. Burroughs disait que cette terre avait un esprit malfaisant. Peut-être avait-il raison.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

J’ai dû annuler un voyage important. Je ne sais pas trop ce qui va rester ouvert. Ou à quel point il va devenir difficile de se procurer des médicaments ou des produits frais. À part ça, je ne sors plus beaucoup ces dernières années, de toute façon. D’une certaine manière, le virus pourrait être un égaliseur pour les personnes qui ne sortent pas. Nous n’avons plus le sentiment de rater quoi que ce soit ! (sourire)

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Moi et ma chère et tendre, Eve, nous prenons soin l’un de l’autre. C’est tout ce dont nous avons besoin.

Je crois que je vais établir une liste de mes films et de mes albums favoris. Une activité plutôt plaisante et dénué de stress, comparée à l’écriture d’un texte difficile, au sens profond. Je vais aussi probablement écrire plus de paroles de chansons et les organiser par thèmes. J’aime écrire plus au moins en rimes. C’est une espace ludique pour moi, même si ma production peut paraître négative et désespérée aux autres.

Je travaille sur un thème appelé « Illusion of Agency », ces paroles ont été écrites il y a peut-être un mois, et ont été travaillées par un groupe appelé Phr !endz. Elles me semblent pertinentes, puisqu’elles traitent justement des limites de notre pouvoir face à l’implacable matérialité, et de la limite de nos projets quant à leur impact sur le monde. Il y a des exceptions bien entendu. Continuez à travailler sur ces vaccins !



Conseil additionnel de Ken Gofman alias R.U. Sirius.




KING’S QUEER

Musique, performances, radio et autres auto-productions, les King’s Queer sont partout, des profondeurs de l’internet au chapiteau du cirque Électrique, des méandres du Doubs autour de Besançon, leur quartier général, aux squats de France, d’Europe et de Navarre, afin de propager les germes de l’amour et de nos révoltes.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Un peu comme un moteur à réaction…

À vrai dire, on suit l'affaire de ce petit virus virulent depuis fin novembre, et oui il y avait déjà des alertes à ce moment là. On a lu, étudié, un maximum d'articles scientifiques, pratiquement quotidiennement, venant de tous horizons et de tous pays… Bref on sentait bien que quelque chose de gros, de très gros, allait nous tomber sur la gueule… Du coup, essayer d'apprendre au maximum, s'informer, réfléchir, s'organiser. Le savoir, c'est le pouvoir. Pouvoir agir, pouvoir se préparer mentalement… On est rentré.e.s en confinement avant son instauration, même si on a suscité quelques quolibets de nos proches, mais qu'importe… Quand tu as connu l'épidémie du sida, tu as des alarmes qui résonnent dans la tête. Automatiquement, des réflexes s'imposent à toi. Tu sais que les États ont toujours des temps de retard. Ta survie ne dépend que de toi et d’un maximum de solidarité, d'auto support ! Bien avant toutes les consignes « officielles », nous avions créé une zone de décontamination sur notre palier. Une extrême rigueur dans nos actes, dans nos interactions avec autrui. Mais nul.le n'est à l'abri ! Faire en sorte que chaque jour, notre futur nous attende ! « Confiné.e.s mais pas résigné.e.s ! »

Nos institutions, la bonne blague !! Lesquelles ? Les hostos qui essayent d'écoper les ravages de ce tsunami, avec un pauvre seau de bac à sable troué au péril de leur vie ? Les agences régionales de la santé qui suivent la voie frelatée des instances dirigeantes ? Ce gouvernement « hors la loi », qui assassine impunément chaque jour au nom des dividendes et de leur incompétence ? Oui, lesquelles hein ? On a juste un immense respect pour toutes celles et ceux qui chaque jour défient ce virus pour qu'on puisse survivre… Un immense respect pour toutes les personnes qui montent des réseaux de solidarité en tout genre. Pour celles et ceux et autres qui rentrent en résistance et qui défient les lâches machiavéliques qui nous gouvernent !

Nous vivons un moment de basculement total ! Un choc frontal traumatique ! Beaucoup n'ont rien vu venir… Nous ne sommes pas tout.e.s égaux.ales face à cela ! Déjà que la notion d' égalité est chimérique en temps normal, alors imagine maintenant… Chacun.e réagit à sa façon, fait ce qu'il/elle peut avec ce qu'il/elle a… Nous sommes dans une situation très spéciale, régie par une peur omniprésente… Et face à la peur, la triste personnalité de certain.e.s individu.e.s est mise à jour… Mais rien ne nous surprend, nous avons toujours été très lucides sur nos congénères, ha ha… Une chose est sûre c'est que les personnes qui ont un fonctionnement de vie alternatif, habitué.e.s à l' entraide, à vivre avec peu de moyen, habitué.e.s à l'autonomie, à l'autogestion, sont beaucoup moins vulnérables ! No comment ! Mais ne jouons pas la division, au contraire, profitons de ces instants pour nous regrouper au maximum et faire front pour un futur différent !

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Des mains remplies d'eczéma, dû à la surconsommation de savon !! Une rigueur d'hygiène ! La javel est notre meilleure amie, ha ha !! Bref, une routine ménagère de l'extrême et, honnêtement, c'est pas le truc qui nous éclate le plus !! Ha ha, allez on arrête de déconner !

Alors pour nous, c'est une vrai galère ! King's Queer vit des concerts, des sets de Djs… Bref, on a besoin de public ! Et là, « no public = no money » ! Nous sommes en réelle banqueroute économique. De plus, on tombe pile dans la période où nous avions le plus de gigs ! Et non, on ne va pas nous verser l'argent des concerts annulés… contrairement à ce que l'on dit, ou peut penser ! Du coup, on fait l'impasse sur les loyers, on rationne la nourriture, on se démerde comme on peut, comme des tas de gens qui sont dans ce cas… Mais grâce à notre réseau on se sent malgré tout privilégié.e.s.

Pour le reste ça nous change pas grand-chose honnêtement. Quand on n'est pas sur la route, on bosse chez nous la musique et on planche sur différents projets. On a l' habitude d'être 24h sur 24 ensemble. On fait juste plus attention à l' autre : quand on sent une baisse de moral, on réagit immédiatement… Nous n'avons jamais été dans la société de consommation, de ce côté là, pas de manque… On continue à faire de façon bénévole nos émissions de radio «  Amours et révoltes », chaque mardi de 20:00 à 21:00, sur Radio Bip. Ce qui est différent, c'est qu'on n'est plus en studio, mais chez nous en confinement ! Et animer une heure d'antenne, sans vraiment pouvoir se remplir de vie hors les murs, ça demande pas mal d' imagination ! Du coup on appelle les copains, les copines à la rescousse ! Il nous semblait absolument primordial de garder ce lien hebdomadaire avec la King's Queer Family ! Nous avons pas mal de personnes dans notre public qui sont seul.e.s, malades, etc. On essaie d'injecter comme on peut une dose d'énergie !

De plus, chaque jour, on prend quelques heures pour soutenir les proches, les moins proches, les inconnu.e.s, par visio-conférence ou par téléphone. On fait ce qu'on peut à notre échelle ! Bref on est loin d'être désoeuvré.e.s, il y a même des jours où on est over booké.e.s ! Mais ça tombe bien : on a toujours été hyper actif.ve.s !

Et puis si on oublie un peu le côté absolument tragique du moment (oui on sait ce n'est pas évident), on est quand même témoins d'un truc digne d'un roman d'anticipation, c'est plutôt incroyable, non ?

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Alors là on est pas loin du zéro prise de risque ! La porte d'entrée est notre pire ennemie on ne s'en approche plus… Pour l' instant ! Mais il va bien falloir sortir pour se ravitailler à un moment donné ! Du coup on étudie un modèle de scaphandrier en carton, ou bien avec le hublot de la machine à laver...Affaire à suivre !

On a décidé de vivre le confinement comme une expérience, un nouveau voyage vers l'inconnu ! On se fait des trucs qu'on ne ferait pas en temps habituel, du style s'octroyer une heure par jour ensemble de divertissement : cours de danse de salon, séance de yoga new age, origami… Bref, des activités qui nous font marrer ! On bosse, on monte des projets, on balance du son par nos fenêtres, histoire, d'égayer la rue, on travaille sur nos angoisses, nos peurs… On bouquine, on s'occupe de Petit Chat, on regarde un peu des films, des documentaires et on prend au maximum des news des un.e.s et des autres… On s'informe, on réfléchit, on discute... et surtout on cultive la rage de vivre !!

Des conseils ? Un seul : organisons nous, tou.te.s ensemble, pour faire tomber ce système !! Rendons l'impossible possible !!




ANNIE LAM

De la peinture à la danse, mais aussi l'écriture, la photographie, la vidéo et le BDSM, Annie Lam met en scène un art total, imprégné de sensualité, de chamanisme et de transe, pour générer autant de questionnements que d'illusions subliminales.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

J'essaie de m'informer au delà des informations officielles, de remonter le temps autant que possible, et de toute cette bouillie, en sauvegarder mon libre-arbitre, c'est un bon exercice. Je suis consternée par les mensonges qui circulent et toutes les contre-informations concernant la gravité de cette pandémie. Atterrée aussi mais sans surprise de l’égoïsme du crétin qui met en péril la vie les personnes faibles. Dégoûtée aussi de voir les jeunes en particulier jouer le jeu des salauds qui donnent un fameux coup de pouce à leur sélection naturelle. Certains parlent de sélection naturelle, j'ose en douter au vu de la perversion persistante de nos gouvernants. Mais tout cela confirme ce que je savais déjà.

Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Je ne change pas beaucoup mes habitudes pour le moment. J'ai la chance d'habiter près de la nature qui reste encore accessible pour le moment. Le marché reste ouvert, avec des mesures de sécurité, j'évite les supermarchés pour des questions idéologiques et politiques depuis longtemps déjà. Je prime donc les petits producteurs et commerçants. Pour des questions économiques et de santé, notamment pour booster mon système immunitaire, j'ai commencé ma diète de printemps un peu plus tôt. Je fais mon yoga chez moi, plutôt que dehors, mais essaie de prendre le soleil autant que possible, en sécurité, avec les droits que nous avons encore. J'ai deux chiens à promener tous les jours, je le fais beaucoup plus tôt le matin, avant que la ville ne s'éveille et plus tard le soir, quand elle se rendort. Je me donne les moyens de créer, d'égayer mes pensées, de penser au futur pour éviter le stress ou l'angoisse, principales sources de défaillance immunitaire. Je donne les cours de Beaux Arts à mon fils revenu chez moi pour le confinement, et à une autre élève par le web. J'essaie de donner de la légèreté à travers les réseaux sociaux.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Mes conseils donc, profitez d'être chez vous pour vous occuper intelligemment. Ménage de printemps, bricolage, aide aux devoirs et autres activités de société pour vos enfants et alimenter les réseaux sociaux de découvertes artistiques, de recettes, de trucs de prévention, ou autres pour faire évoluer les consciences. Retour aux valeurs familiales oubliées. Apprenez à vous connaître.




NICOLAS LE BAULT

Romancier, graphiste, dessinateur et éditeur indépendant, à la tête de White Rabbit Prod, Nicolas Le Bault sévit dans les interstices pour y concevoir des mondes délicieusement terrifiants.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Mes propres réactions ne me surprennent pas beaucoup. Elles sont sûrement du ressort de la névrose, dans sa définition courante. D'un mode d'appréhension des événements qui ne nie pas la réalité, mais qui, du moins consciemment, n'en veut rien savoir. Tout au plus je serais sujet à trafiquer imperceptiblement le réel, pour le rendre plus à même d'être supporté. Ce n’est sûrement pas idéal, et je vous concède que ce n'est pas très gai, mais ça ne me semble pas gravissime en soi. Du moins pour le moment, ça ne nuit à personne et ça me permet de travailler. Cela fait bien longtemps que je me considère comme une éponge. J'absorbe bien malgré moi la violence et le délire de l'époque, et cela rejaillit dans mes travaux.

Nos compatriotes, eux, semblent répondre à cette crise avec un niveau de consentement maximal, ce que je trouve presque inquiétant. Il a fallu en Chine la démonstration de force de ce qu'une dictature peut offrir de plus spectaculaire en termes de mise au pas sociétale pour mobiliser la population contre la propagation du virus. Ici, en France, il n'a même pas été nécessaire de prendre des mesures autoritaires. La coercition semble intériorisée, la discipline acquise, l'obéissance générale est irréprochable. Les médias mainstream redoutaient une prolifération d'énoncés dits complotistes, et se tenaient prêts à déployer un appareil de prévention draconien contre toute idée de manipulation, de mensonge d'état, de vérité travestie ou dissimulée, et de conspiration politique.

Rien n'est plus redouté du point vue des élites dans ce type de situation que la tendance supposée du peuple à nier l'évidence et la réalité des faits dans les termes où ils lui sont relayés.

Mais certainement à la stupeur de ce petit groupe dirigeant, il n'a même pas été nécessaire de vacciner mentalement le peuple contre sa propension bien connue au délire. Les quelques rares cas de scepticisme isolés ont très rapidement succombé au mouvement général de conscientisation et de verbalisation du danger, avant même d'avoir pu articuler à leur doute un signifiant solide.

L'État n'est plus le monstre froid dont il convient, dans la tradition libérale, de s'émanciper. Il retrouve sa vocation première, maternelle, matricielle et consolante, sorte de gangue ouatée et émolliente au creux de laquelle il est doux, même pour les plus récalcitrants, de se blottir. C'est ainsi qu'en quelques jours, sur une simple demande formulée sans grande fermeté, avec l'appui d'un gouvernement pourtant largement responsable de la situation, par un président peu crédible et globalement impopulaire, les commerces, cinémas, théâtres, universités, salles communes et lieux de rassemblement les plus divers, n'ont trouvé rien de plus naturel que de fermer de concert, sans transiger et presque sans broncher, avec une sorte de bonne volonté générale, dans un mouvement fluide et sans heurts. Et cela en dépit de la défiance habituelle et légitime des corps sociaux concernés envers les représentants du pouvoir. La revendication générale semble justement en appeler à davantage de répression.

On peut s'étonner de voir à quel point le pays le plus « politique » du monde, réputé ingouvernable et perçu par la scène internationale comme quasi-insurrectionnel, a pu, face à cette crise, se montrer souple et accommodant. Voir des citoyens se cloîtrer ainsi chez eux presque sans protester, se montrer si raisonnables et si confiants envers le pouvoir, s'en remettre soudain complètement et si paisiblement à lui, devrait réconcilier durablement les élites de ce pays avec sa population pacifiée. C'est peut-être aussi que la population de ce pays semble depuis longtemps appeler de ses voeux non pas un ralentissement de l'activité humaine, mais une sortie momentanée de la continuité, une possibilité d'interrompre, pour un court laps de temps, la marche forcée de la vie.

C'est comme si nos vies, dans leur modalité présente qui est celle de la forme actuelle du capitalisme, avaient l'aspect d'un rêve de mort, et que seule la dissémination ponctuelle et opportune d'occasions propices à de micro-suicides pouvait nous les rendre supportables. Mettre la vie sur pause et reprendre le cours organique des choses après une petite injection bénéfique de néant. À défaut d'une grande coupure avec une organisation générale et avec un modèle de vie au fond largement adopté et accepté par tous, les gens semblent accueillir avec un soulagement presque messianique cette petite parenthèse qui vient s'ouvrir dans l'existence.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Pour le moment il n'y en a pas, ma vie se réduisant à une sphère d'activité extrêmement limitée, dont une proportion colossale se restreint au travail, le reste à des problèmes découlant de paramètres divers liés eux-même, directement ou indirectement, au travail. Je pense mener une existence assez bizarre, marquée par le sceau du renoncement à tout ce qui, en dehors du travail, constitue la substance de la vie, cela consistant à désinvestir assez largement le champ de la vie affective pour le réinvestir dans le travail. Le cadre de mon activité se limitant à mon atelier, lui-même situé à mon domicile personnel, et la majorité des échanges sociaux qui en découlent se faisant de manière immatérielle, via internet et les réseaux sociaux, je dois dire que je ne suis pas la personne la plus exposée qui soit à voir mon quotidien bouleversé. De plus je suis rarement obligé de prendre le métro, je n'ai pas d'enfants à l'école ou à la crèche, etc. C'est pourquoi il est assez facile pour moi de me formuler que les changements d'organisation liés à la crise existent, bien sûr, mais sont finalement assez superficiels. Il m'est assez amusant de me dire que beaucoup de gens peut-être trouveront dans cette période l'occasion inattendue de faire un constat assez semblable au mien.

Mais un fait étrangement concomitant me donne pourtant à réfléchir sur mon cas personnel : j'ai complètement cessé, au tout début du déclenchement de la crise, de lire la presse et de m'informer quotidiennement, préférant consacrer la première heure de la matinée à la lecture de l'oeuvre de Jean Baudrillard. Ce n'est pas une décision réfléchie ni un rejet du bégaiement des flux médiatiques, mon intérêt s'est simplement déplacé, et je l'ai laissé faire. Comme si au fond, je ne me sentais pas concerné. Baudrillard, dans Simulacres et Simulations, nous fait savoir que partout la socialisation se mesure à l'exposition au message médiatique. Qu'est asocial, ou virtuellement désocialisé, celui qui est sous-exposé aux médias. Je pense qu'il en va de même pour le Covid-19. Je pense qu'il y a peut-être une réindexation de l'existence sociale des individus sur leur niveau d'exposition au Covid-19. Cela provoquerait chez certains une crise de la présence au monde qui pourrait se généraliser.

Dans ce sens, je suis peut-être en train de m'ensauvager complètement, de me désintégrer socialement pour de bon.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Il s'agirait d'universaliser à l'ensemble de vos lecteurs le motif général autour duquel s'articule ma vie quotidienne.

Continuer de travailler pour rendre justice au monde. Il faut rendre à la société ce qu'elle nous donne tous les jours, et je suis sûr qu'à la fin elle aura ce qu'elle mérite. En retrait de nos semblables, adopter une position distante et surplombante, mais ne pas juger l'humanité trop durement. Il faut la peindre sans concessions mais ne pas la condamner. Ce serait très injuste, et moralement discutable parce que d'une approche très superficielle. Savoir de l'humanité que la folie qu'elle a érigée en principe directeur, son économie frénétique de la dépense et du gâchis, son délire consumériste qui a détruit la planète, tout cela, elle l'a fait d'un geste désespéré pour assurer sa survie. En détruisant la nature, en faisant fondre les glaciers qui libèreront en se liquéfiant des virus primitifs sûrement beaucoup plus meurtriers, l'humanité s'attaque avant tout, avec un acharnement touchant et aveugle, au principe de réalité.

Celui-ci, tout en la préservant de l'extinction, lui rend l'existence impossible et anxiogène. Je crois sincèrement que le principe de réalité aura disparu bien avant la couche d'ozone. On peut postuler sans trop se risquer que la crise actuelle produira simultanément une montée en puissance des discours scientifiques et de l'argumentation écologique. Derrière l'inquiétude écologique, et le souhait de nous voir enfin devenir raisonnables, il y a l'idée que nous pouvons survivre éternellement si nous prenons les précautions nécessaires. Il y a aussi dans l’inconscient de tout un chacun l'espoir que le Covid-19 soit la dernière manifestation du principe de réalité. Pour qu'ensuite nous puissions continuer de vivre ainsi, en rémission, dans une insouciance relative mais suffisante pour nous projeter dans un avenir indéfini.

Et nous le ferons. Mais il ne faut pas faire l'impasse sur le noeud du problème. Ne pas oublier que la nature se fout de nous et de notre civilisation millénaire. Qu'elle peut, si l'envie lui prend, nous balayer aussi vite qu’elle a liquidé les dinosaures. Ces nobles et puissants lézards, ces formes de vie pourtant remarquables, seraient probablement perçus comme des dieux s'ils demeuraient encore parmi nous. Eux aussi peut-être se croyaient immortels, mais ils ne l'étaient pas.

Ne pas croire que notre technologie, nos téléphones portables, nos serveurs informatiques distants, que la dématérialisation qui est à l'oeuvre ont réussi à dédoubler notre civilisation jusqu’à la rendre étanche et indestructible, inaccessible à l’entropie. L'humanité, même à ce stade de notre évolution, est mortelle, c'est impensable à notre échelle tant la somme de ce qui pourrait être amené à disparaître nous paraît colossale, mais c'est ainsi. La cause écologique est dévolue à retarder cet état de fait, comme la médecine moderne transhumaniste consiste à ajourner la mort physique des individus les plus privilégiés. Mais ni l'un ni l'autre ne sauraient exonérer l'humanité de la disparition qui est inscrite dans son programme. Nos êtres ne sont pas encore reconductibles dans l’hyperespace, ni dans la fragmentation numérique, ni dans rien du tout. Prisonniers de notre corporéité, et tout entiers voués à la destruction entropique, le Covid-19 nous rappelle que notre culture ne va peut-être pas gagner le combat sans merci qu’elle mène avec la nature pour s’en émanciper complètement et pour se recréer hors d’elle. Cette lutte va se jouer sur un problème de temps. Nous n'en verrons probablement pas la fin, et c'est tant mieux, mais n’oublions pas qu'à tout moment, un coup de vent pourrait nous balayer et que rien de semblable à nous ne nous remplacerait.

Continuons de travailler, et forts de cette perspective, allons à l'essentiel. Considérons qu’en tant qu’espèce, nous ne sommes pas éternels.




ANDRÉ ÉRIC LETOURNEAU

Artiste pluridisciplinaire canadien-français, André Éric Letourneau enseigne à à l'Université du Québec, à Montréal, et poursuit un travail où se recoupent la musique, les arts plastiques, l'art-action, la création radiophonique et l'art médiatique.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Je n’ai aucune réaction particulière. Je suis passablement amorphe et végétatif face à cet événement. Que faire d’autre? Je regarde les gens autour de moi et je trouve intéressant de voir émerger toutes ces angoisses relatives à la mort. C’est la notion de souffrance qui est au centre de cette angoisse. On a peur de souffrir de la maladie, de souffrir en en mourant ou de souffrir en perdant quelqu’un qu’on aime.

Quant à moi, le principal problème c’est de ne plus avoir de contact physique avec mes proches. Ne plus pouvoir prendre mes proches dans mes bras est une grande souffrance, déjà. Sur le plan sexuel également, c’est triste d’avoir des orgasmes sans contact avec d’autres personnes. Mais n’est-on pas si bien servi que par soi-même? Pourquoi avoir peur de la mort alors que nous nous servons si bien nous-mêmes notre propre mort, au quotidien? Au fond, ce virus va nous aider à faire nous débarrasser de notre vieille exuvie. Il faut le voir comme une opportunité.

Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Ce sont deux questions bien distinctes. Les institutions au Québec font ce qu’elles doivent faire, généralement parlant, pour éviter l’augmentation subite d’un trop grand nombre de cas, ce qui rendrait la situation ingérable. Cela va-t-il fonctionner ?

Quant à mes congénères, ils sont dans la même situation que moi, effrayés et fascinés à la fois. Ce qui est incroyable, c’est de voir à quel point la pensée magique prend le dessus dans une telle situation. « On exagère. Je ne l’attraperai pas. Ce n’est pas grave » C’est vrai que ce n’est pas grave de l’attraper pour la plupart des gens, mais pour la population touchée par les conséquences du 4% de létalité, ce sera potentiellement et déstabilisant. Mais bon, toute merde qui arrive est aussi bonne pour faire de l’engrais. Il faut seulement être inventif et laisser la matière se transformer, comme il se doit, et y rentrer le doigt.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Je vais maintenant au supermarché armé d’une bouteille de Purell. Sinon, rien ne change, je dois aussi apporter mon portefeuille.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ?

J’adore être confiné. Je trouve cela très excitant. Alors, je me délecte.

Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Éviter de trop faire les activités qui créent des dépendances comme la drogue, l’alcool, le jeu, les jeux vidéos et la masturbation. En profiter pour méditer, lire, faire des recettes de cuisine avec des éléments renforçant l’immunité et expérimenter la transformation du réel par l’activité artistique. Essayer tous les jours quelque chose de nouveau. Faire la liste de tout ce qu’on déteste, en choisir une et la pratiquer de temps en temps pour casser son esprit et « distortionner » son égo. Normalement, la société « distortionne » pour vous. Maintenant éloigné de la vie sociale, chacun de nous doit absolument trouver le moyen de « s’auto-distortionner », sans cela c’est la mort du mouvement de l’être (l’âme).




JEAN-MARC LIGNY

Science-fiction, littérature fantastique, cyberpunk, space-opera ou insolite, l'écrivain Jean-Marc Ligny opère avec maestria dans tous les domaines de l'imaginaire, depuis son repaire en terre bretonne.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

J'y réagis assez sereinement, dans la mesure où, même si elle est plus mortelle que la grippe, elle affecte beaucoup moins de monde. Mais sa gestion au niveau mondial et sa perception par les institutions donne un avant-goût des prochains virus - ou autres catastrophes (écologiques, climatiques, économiques...) qui ne manqueront pas de nous tomber dessus dans les années qui viennent, et qui risquent d'être bien plus graves.

Ça donne une première estimation de la résilience de nos sociétés. Une sorte de répétition générale, avec quelque chose d'encore pas trop grave.

Quant à nos congénères humains, globalement, ils ne cèdent pas à la panique et c'est tant mieux. Voire même - du moins vers chez moi en Bretagne - ils prennent ça plutôt à la légère, ce qui risque de faire durer un peu plus longtemps les désagréments, mais bon. En tout cas c'est déjà un coup de pied dans la fourmilière, un signe avant-coureur - comme les incendies en Amazonie et en Australie - de ce qui nous attend, qui va peut-être susciter des prises de conscience, chez les citoyens et les décideurs, d'à quel point notre système est fragile et doit être repensé en profondeur, si on veut avoir une chance de survivre aux dégâts qu'on a provoqués.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Il est assez minime. Je fais du télétravail depuis déjà une bonne dizaine d'années, donc ça ne change pas grand-chose pour moi, sinon que je risque d'avoir moins de boulot si la situation s'éternise. Le seul ennui c'est que je viens de sortir un roman et que j'étais invité à divers salon et festivals qui commencent à être annulés l'un après l'autre, et que la fermeture des librairies ne va évidemment pas faciliter les ventes. Du coup je suppose que les ventes en ligne vont fortement augmenter... À part ça, eh bien plus de bistrot, plus de restau, plus de sorties, moins de visites... Il est temps de s'occuper du jardin !

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Eh bien, comme j'ai dit, mon quotidien n'a pas trop changé, sauf que je sors beaucoup moins (juste le nécessaire).

Quant à mes conseils, eh bien, positivez ! Dans la mesure où il n'y a pas de pénurie, où beaucoup de gens toucheront quand même une bonne partie de leur salaire, mais vont moins consommer et seront moins sollicités par l'extérieur, c'est le moment de prendre du recul, de prendre soin de soi, de sa famille, de sa maison, son jardin, sa vie en général, de lire, de regarder des bons films, de se cultiver, de se balader (tant qu'on n'est pas en quarantaine), de bricoler, de faire enfin ce qu'on n'avait jamais le temps de faire.

C'est un break dans le rush (pour parler en bon franglais), certes imprévu et imposé, mais qu'il faut mettre à profit, à mon avis, pour s'occuper un peu de soi et des siens, se poser, réfléchir et prendre de bonnes décisions.




FILO LOCO

Fondateur de la maison d'édition indépendant Serious Publishing et expert en bizarreries culturelles de toutes obédiences, Filo Loco est également l'heureux propriétaire de La Parisienne du papelart, une boite de bouquiniste du quai de la Tournelle.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

On dirait un spectacle de la ligue d’improvisation. Les gars du gouvernement sont lâchés dans la nature sans discours concerté ni cohérent.

Du côté de nos congénères, je n’en n’attendais pas moins. Donc entre rires et larmes pour ma part.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Je suis surpris de vivre tout ça très bien et même d’en retirer un plaisir égoïste.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Personnellement je me déplace la nuit pour livrer jambon et charcuterie à la demande. La journée, je lis beaucoup et j’essaye de maintenir des érections prolongées, ce qui n’est pas simple. Que chacun s’éclate en restant chez soi !




JOACHIM MONTESSUIS

Compositeur, performeur et poète, Joachim Montessuis s'intéresse tout particulièrement au son et à la poésie sonore, au travers de son label Erratum Musical et de concerts/performances, qui mêlent électronique bruitiste et poésie.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Je n'en pense pas grand chose, il s'agit surtout pour ma part de rester calme et de ne pas trop avoir peur des maladies en général, et il m'a toujours semblé que c'était les conditions optimum pour ne pas tomber malade car le stress et la peur fatiguent l'organisme! Ensuite chacun fait ce qu'il peut avec tout cela...

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Cela ne change pas grand chose, si ce n'est quelques déplacements reportés.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Faites ce que ne vous prenez pas habituellement le temps de faire? Rien par exemple! Et faire plus l'amour, lire, méditer, créer quelque chose.




HIKIKO MORI

Née en 1987, vit et travaille près de Marseille. Fondatrice, chanteuse et parolière de Bad Tripes. Piètre peintre. Influenceuse sur Facebook. Ancienne stagiaire chez Punish Yourself. A croisé Danièle Evenou.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Au début, j’avoue que j’ai eu du mal à prendre tout ceci au sérieux. Le nombre de morts me paraissait dérisoire, en comparaison avec la grippe et des tas d’autres maladies dévastatrices. Ce n’était pas la première fois qu’un vilain virus faisait la une dans les médias. Puis j’ai commencé à voir le bordel que c’était en Italie, avec l’histoire de cet acteur cloîtré avec le cadavre de sa sœur, les émeutes en prison, les histoires de confinement… Ça avait un petit côté irréel.

Je n’ai pas plus d’antipathie pour le gouvernement aujourd’hui qu’avant : je le sens totalement paumé, aux fraises, incapable de prendre des décisions fortes et durables. Les révélations de Buzyn au Monde m’ont affligée - si elle avait fait un meilleur score aux municipales, elle aurait fermé sa gueule -, mais je ne vois rien de bien stupéfiant… En revanche, et bien que j’aie conscience que la haine doit plutôt aller vers « les puissants », le comportement de bon nombre de mes concitoyens m’a révulsée. Entre les rebelles en mousse qui pensent que c’est un jeu, les « stockeurs fous », les sportifs à la con, les citadins qui chouinent de vivre dans des cages à lapins et s’incrustent chez leurs parents… Même s’il y a eu des gestes de solidarité, de la bienveillance, mon pessimisme naturel a tendance à se focaliser sur le négatif. Idéalement, cette crise sanitaire devrait provoquer une remise en question globale, inciter à l’introspection, à la bienveillance. Mais je pense qu’une fois l’orage passé, tout redeviendra comme avant, avec en prime un goût affreusement amer en bouche.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Lorsque l’interdiction des rassemblements de 100 personnes a été prononcée, j’étais dans le train qui me conduisait Sadique Master Festival, pour lequel j’ai traduit deux films. J’ai appris l’annulation de l’événement une heure avant d’arriver à Paris. Inutile de dire que ça a un peu perturbé mes plans et que mon séjour parisien fut… déstabilisant ! Je suis rentrée sur Marseille le 16 mars, en me mordant les doigts de n’avoir pas anticipé… Par bonheur, il semblerait que je sois en pleine santé, de même que mon entourage. Mon travail alimentaire a été pas mal impacté, mais je n’ai pas à me plaindre - pour l’heure, je ne suis pas au chômage technique -, surtout quand je vois bon nombre de mes potes. Une amie musicienne a vu la tournée de son groupe annulée, Seth (le guitariste de Bad Tripes, tatoueur de métier) se retrouve sans boulot… Côté groupe, il y a fort à parier que notre prochain concert à Lyon soit annulé, de même que le festival dans lequel nous devions nous produire cet été… À côté de ça, Seth, qui se fait chier comme jamais chez lui, a quasiment terminé de composer le quatrième album. Je vais profiter de cette accalmie pour écrire un peu, donc… ou alors faire un journal de confinement façon Leïla Slimani ? « Confinement, jour 15 : Le soleil brille sur la Provence. Des sans-abri ont chié au pied du platane en bas de chez moi. Les rayons de l’astre doré caressent la poubelle de leurs feux éclatants » Non ?

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Une fois encore, je n’ai pas à me plaindre. Bien sûr que mes amis me manquent et que j’aimerais pouvoir me défouler sur scène, ou simplement faire des répètitions qui puent la sueur avec les autres tripeux… Mais je suis bien lotie. Je dois d’ailleurs avouer que j’ai un peu mal à comprendre les gens qui se font chier, tant il y a à faire. Enfin, je le comprends, en vérité, mais ce que ça renvoie m’attriste. L’idée que les gens deviennent fous d’ennui s’ils ne font pas leurs 7 heures de travail quotidiennes me chagrine, car il y a tant à faire… De mon côté, je rattrape un peu mon retard en matière de lecture, je mate pas mal de films et de documentaires, j’écoute de la musique, je dessine (mal, mais quand même), j’écris, je profite pour me faire de grosses nuits de sommeil avec mes chats…

Après, je ne suis sans doute pas la personne la plus appropriée pour donner des conseils, si ce n’est de profiter de ce temps suspendu pour renouer avec des trucs oubliés : de vieilles passions mises de côté faute de temps, renouer le dialogue avec l’entourage, apprendre à se poser… et capter que le travail n’est pas le centre névralgique de la vie. Nul n’est indispensable dans le monde du travail, aussi vaut-il mieux avoir d’autres bouées auxquelles se raccrocher.



« Tête d'angoisse » et « Je réfléchis trop » © Hikiko Mori




NICOLAS NOVA

Chercheur franco-suisse, commissaire d'exposition, Nicolas Nova est également professeur associé à la Haute École d'art et de design à Genève, où il aborde l’ethnographie, l'histoire des cultures numériques et la recherche en design.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

On réagit, ici à Genève, avec un mélange de résignation, de suivi méthodique des consignes, et de nervosité sur la situation pour nos proches plus ou moins distants, et l’état du monde en général. J’ai tout de même été surpris de la lenteur des gouvernements européens à prendre la mesure de cette épidémie. C’est d’autant plus étrange que nous sommes à une époque où quantité de savoirs et d’expertises sont produits sur ces sujets, et où l’information circule vite. Même aujourd’hui encore les manières de minimiser le Covid-19 sont encore vivaces.

Plus largement, nous vivons une situation soudaine d’énorme ralentissement de nos sociétés interconnectées. C’est un changement brusque, subi, et dramatique pour beaucoup de gens et d’organisations qui nous rappelle que nos manières d’être sur terre ne peuvent être « hors-sol » ou pensées / conçues / vécues sans relation avec d’autres êtres vivants, aussi minuscules soient-ils. C’est également une rupture qui fait réfléchir quant aux nécessités de réagir face à la crise environnementale systémique que nous traversons depuis des dizaines d’années (réchauffement climatique, pollution de l’air et des sols, extinction de la biodiversité). On ne doit pas se réjouir du Covid-19, mais il nous force à réfléchir à nos modes de vie de demain et d’après demain.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Une grande partie de mon activité étant déjà organisée en ligne, avec les projets de Near Future Laboratory, donc il y a peu de changements, hormis la pléthore d’annulations de conférences, ateliers et autres. L’autre facette de mon travail, qui correspond à mes enseignements à la HEAD — Genève, bascule en ligne, avec tout l’éventail des technologies de partage de documents, de visioconférence et d’outils de communication. Tout cela nécessite évidemment des ajustements que l’on est en train de mettre en place avec des collègues.

Plus prosaïquement, je suis confiné chez moi une grande partie de la journée, avec des échafaudages et des bâches dues à un ravalement de façade.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Le confinement me parait être fondamental même si je ne suis pas dans la catégorie à risque, mais il s'agit de ne pas laisser circuler le virus. Quelques sorties dans des coins peu denses de la ville, pour éviter le contact. Des moments ponctuels de ravitaillement, car plus de temps à domicile implique plus de cuisine.

Trouver un moyen de s’échapper mentalement, de voyager dans d’autres imaginaires pour penser à autre chose me semble néanmoins vital. Pour moi ce sera Ma vie dans la brousse des fantômes de l’auteur nigérian Amos Tutuola. Mais fournir des recommandations est assez délicat, car suivant les métiers, et les dommages économiques que cette situation entraine chez chacun, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.

Je recommanderai bien de ralentir, et de se plonger dans des monuments de la littérature en tout genre, mais tout cela c’est pour ceux et celles dont le quotidien est protégé. Il me semble cependant que c'est un moment où de nouvelles formes de solidarité et de collectif doivent s'inventer (sans forcément de contact, ce qui est frustrant), c'est à cela que nous devrions nous employer dans les semaines qui viennent.




KIKI PICASSO alias CHRISTIAN CHAPIRON

Graphiste, peintre et vidéaste français, Kiki Picasso alias Christian Chapiron n'a jamais cessé de sévir depuis ses débuts au sein du groupe d’action artistique Bazooka, à la fin des années 1970.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?



Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?



Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?






MARC-LOUIS QUESTIN

Poète, éditeur, conférencier, magnétiseur et écrivain français, Marc-Louis Questin est l'auteur de plusieurs dizaines d'ouvrages traitant de l’occultisme, du fantastique et de la spiritualité.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Je me garderai bien de critiquer les institutions, autrement dit l'État et le Ministère de la santé. Après tout, il n'y avait peut-être pas d'autre alternative.

Je réagis de manière stoïque et taoïste. Quelque part, je m'en tape royalement de cette épidémie. Au risque d'en choquer certains. Que ce soit Nostradamus, les prophéties mayas, hopis ou tibétaines, il y a longtemps déjà qu'on sait à quoi s'en tenir. Le Kali Yuga n'est pas un vain mot. Dommage que tous les bobos incultes et les islamo-gauchistes athées et matérialistes ignorent totalement de quoi il s'agit. Ces esclaves bas du front vont simplement crever dans la plus abjecte ignorance après avoir vécu dans le mensonge et l'illusion. Bon débarras!

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Cette situation forcée d'isolement est propice à davantage de méditation, d'introspection, de création artistique et littéraire. C'est même le bon moment pour se prendre un acide ou fumer de l'opium si on a eu la chance d'en trouver auparavant. On peut aussi lire, peindre, jouer du piano ou aux échecs, pratiquer certains rituels magick à haute dose. Ce sera toujours plus intéressant que de se branler en vain sur YouPorn ou de passer sa misérable vie de cloporte lobotomisé sur les réseaux sociaux hautement anxiogènes et paranoïaques.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Je n'ai aucun conseil à donner à qui que ce soit. Je ne suis ni un éveillé, ni un coach, ni un gourou. Je vois juste le temps passer, la mort qui se rapproche, le vide abyssal de la conscience occidentale. Les pauvres resteront indéfiniment pauvres et les riches seront toujours de plus en plus riches. Karl Marx avec nous !

De toutes façons vous allez tous crever tôt ou tard et moi avec. Que ce soit du cancer, du Sida, du coronavirus ou de la leucémie, les corbeaux de la mort se rapprochent peu à peu et même la plus sexy des bimbos délurées et tatouées rejoindra assez vite le rang des futurs cadavres en décomposition.

La danse macabre est une réalité. Une fois qu'on a compris cela, et lisez donc plutôt Bossuet ou Léon Bloy que Bernard Henry Levy ou Michel Onfray, plus rien n'a vraiment la moindre importance et on se fout de tout, ce qui somme toute est peut-être le début du commencement de la sagesse. Quien sabe?

« No se vivin sin amor. »
~ Malcolm Lowry, Au-dessous du volcan




STÉPHANE ROY

Artiste et photographe français, Stéphane Roy s'est installé à Bruxelles où il dirige le Centre culturel et sportif Tour à Plomb, tout en poursuivant son exploration de différents médiums, dont les installations et la sculpture.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Cela me demande un effort considérable pour trouver des mots polis et courtois, qui ne trahiront pas mon exaspération quant au cirque actuel auquel nous assistons.

Entre la surmédiatisation d'un virus « overrated » et les réactions de tous ces trous du cul partis se taper dessus pour s'arracher des montagnes de rouleaux de PQ. Nos congénères sont géniaux dans la gestion imprévisible de leur connerie sans fond.

Après, je suis tout à fait d'accord avec la démarche responsable de prévoir et de canaliser au maximum, en essayant de contenir la propagation du virus. La fermeture des institutions et l'annulation des événements reste donc tout à fait logique. Mais qu'en est-il des grands magasins, des franchises internationales et autres lieux de concentrations des populations à l'hygiène contestable ? Va-t-on fermer les McDo, H&M, etc. ? Pas certains que Monsieur « je ne me suis jamais lavé les mains avant le 15 Mars 2020 » soit vraiment la représentation des citoyens qui fréquentent les lieux culturels.

Quant aux autres fêtards en panique, décidés à fêter une dernière cuite avant la fermeture généralisée, sans commentaire. On aura au moins une idée plus ou moins précise de la gestion humaine et sociétale face à une potentielle apocalypse. C'est consternant, mais pas surprenant. Espérons que le confinement rendra tous ces gens plus fins que cons !

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Étrangement, le coronavirus a tendance à simplifier mon quotidien de manière radicale : une bonne excuse pour annuler les réunions inutiles et les projets parfois encombrants. Pour le reste, je suis actuellement devenu une boîte à message automatisant les formules d'annulations d'activités au sein de l'institution dont j'assure la gestion. J'imagine que les semaines à venir vont me permettre de dégager du temps considérable.

Sur le plan personnel et artistique, c'est presque à s'en donner un putain de vertige d'avoir tout ce temps devant soi pour l'investir de bien diverses manières. Ce n'est certainement pas l'inspiration qui manque ! Mais cela marque bien l'aliénation prenante à laquelle nous redevenons si facilement les « victimes ». Je me demande à quoi vont ressembler nos villes d'habitude si frénétiquement réveillées et chaotiques. Décor de cinéma d'un film post-apocalyptique ? Vite que je me prépare une playlist adéquate !

Pour le reste et dans l'immédiat, je dois sortir aller acheter du PQ. Plus que deux rouleaux.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Méfiance quant aux canaux d'informations et à leur dose d'application ! Pour le reste, profitons en pour nous retrouver face à nous-même. Je parle là d'une véritable reconnexion, et pas d'une simple fuite abrutissante. Lire, écrire, s'éduquer, cuisiner, faire de l'exercice, jouer, respirer, baiser... vivre quoi !

Puis sortir de chez soi parfois, de manière responsable : pas de transports en commun, ou au moins pas pendant les heures de pointe. Privilégier les points alimentaires locaux (petits producteurs, etc.). Rentrer chez soi, et sourire en pensant à notre planète qui respire enfin de l'accalmie de toutes nos conneries ! (sourire)


NORMAN SPINRAD

Auteur d’une trentaine de romans qui oscillent entre science-fiction pure et dure et littérature d’anticipation, amateur de culture rock et témoin de la Beat Generation, Norman Spinrad fait partie des saints patrons de La Spirale.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Ce qui suit a constitué ma réaction immédiate, publiée sur mon blog « Norman Spinrad at Large », ainsi que sur Facebook et Twitter. Je crois qu’elle parle d’elle-même et fais tout mon possible pour qu’elle se propage et devienne virale. En espérant que La Spirale y contribuera.

De la vitamine C contre le coronavirus

La vitamine C sera efficace contre le coronavirus, individuellement et collectivement. Elle stimule la production d’interférons dans notre corps, qui constitue la clef de notre système immunitaire. Nous devrions tous prendre au moins 2000 mg de vitamine C : 1000 le matin et 1000 le soir, certains recommandent même une prise supplémentaire à la mi-journée. Ceci n’est pas un traitement curatif, mais préventif, afin de garder votre système immunitaire le plus performant possible.

Si vous commencez à suspecter un début de symptômes, prenez 1000 mg de vitamine C par heure, jusqu’à ce que votre urine devienne jaune clair. Signe que votre niveau de vitamine C atteint son maximum et que vous expulsez tout le reste. Ceci n’arrêtera pas l’infection à coup sûr, mais y arrivera fréquemment.

Je n’invente rien, ça a été découvert et développé par Linus Pauling, un biochimiste nobélisé. Quelques décennies en arrière, je souffrais d’infections urinaires chroniques, comme beaucoup d’hommes. Lorsque j’ai demandé un traitement à mon médecin, il m’a dit qu’il n’y en avait aucun, qu’il souffrait lui-même de la même affliction et qu’il serait ravi d’en apprendre qu'il en existait un. Je l’ai trouvé. C’est celui-ci. Je n’ai jamais plus souffert de ce type d’infection, plus de quelques heures. Je n’ai jamais plu eu de rhume, tant que j’ai pu en capter les premiers symptômes et agir à temps.

La vitamine C n’immunise pas contre quoi que ce soit. Elle ne guérit pas d’une maladie déclarée. C’est un acte préventif contre une infection virale qui renforce un système immunitaire déficient ou booste un système sain. Cela ne marche pas à 100%, mais ça fonctionne la plupart du temps. Et plus de 80% des personnes hospitalisées ou mortes du COVID-19 se trouvaient immunodéficientes, d’une manière ou d’une autre.

2000 mg de vitamine C par jour. Ça coûte que dalle et c’est la meilleure protection possible pour chacun. Une large utilisation ralentira la pandémie, en réduisant les sources possible d’infection. Faire le bien, en restant sain. S’il vous plaît, je vous en conjure, propagez ceci aussi vite et aussi largement que possible.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Aux États-Unis, la gestion de la situation s'est avérée confuse et chaotique. En France, je pense que Macron a fait à-peu-près tout ce qu’il pouvait, mais ce confinement ne peut durer plus de deux semaines, qu’il fonctionne ou pas, à cause des réactions de certains habitants.

Il y a ceux qui disent déjà que la survie des plus vieux se fait au détriment de la vie des plus jeunes. Et dans une certaine mesure, d’après les chiffres, ce n’est pas faux. Est-ce moral d’agir ainsi ou pas? Du haut de mes 79 ans, je n’en suis pas si sûr. Ma crainte est que cette situation nuise à la solidarité intergénérationnelle.

En plus, je rentre tout juste de faire mes courses. Les gens accumulent du papier-toilette et, en agissant ainsi, créent la pénurie qu’ils redoutent. Ça démarre aussi avec la nourriture.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Plus ou moins nulle. La réalité est que 1% d’entre nous tombent malade et moins que cela meurent. Dona et moi sortons d’un confinement bien plus drastique, comme les lecteurs de La Spirale le savent. Et nous avons d’ors et déjà maximisé nos chances en renforçant notre système immunitaire avec de la vitamine C.

Nous ne faisons rien de vraiment stupide, mais nous avons encore récemment diné au restaurant. Je travaille toujours à la maison, et c’est de là que je vous écris. Je poursuis mon nouveau hobby qui est d'apprendre, vraiment, à jouer du clavier. Dona dévore les livres et les magazines. Et nous avons toujours plus cuisiné à la maison qu’autre chose.

Nous parlons ensemble de tout et nous nous ennuyons rarement. Mais nous sommes un cas unique, ayant récemment passé plusieurs mois confinés à deux. Comme je l’avais dit à ce propos, ce qui ne détruit pas l’amour le rend plus fort. Et ce qui ne vous tue pas, nous rend tous plus forts.




ANTOINE ST. EPONDYLE

Auteur de L'étoffe dont sont tissés les vents, une analyse de La Horde du Contrevent d'Alain Damasio, et spécialiste des cultures de l'imaginaire au travers de son blog « Cosmo Orbüs », Antoine St. Epondyle écrit sur la science-fiction et les jeux de rôle, avec un intérêt particulier pour le cyberpunk et la critique de la technologie.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Je me suis toujours foutu de la gueule des millénaristes, du prophète de L'île mystérieuse aux religieux de tous poils, des annonciateurs du bug de l'an 2000 et de l'Apocalypse de 2012. Depuis quelques années pourtant, l'ombre du collapse à commencé à planer très franchement, pesante, jusqu'à s'épaissir d'un coup au cours de l'année écoulée. La perspective de l'effondrement (de nos civilisations thermo-industrielles, pas du « monde ») est alors devenue un sujet de discussion récurrent, un motif d'angoisse tantôt lancinant, tantôt suffocant. Pour ma part il est toujours resté purement intellectuel ; comme le dit bien Edouard Louis les faits d'actualité sont « juste un sujet de discussion » pour ceux qu'ils ne concernent pas directement, ou pas dans l'immédiat. Aux guerres lointaines se sont donc ajoutés les périls climatiques, les écocides, la sixième extinction de masse (accompagnés d'un solide sentiment de culpabilité), puis le glissement des « démocraties » européennes vers un autoritarisme de plus en plus assumé, répercuté en premier lieu sur les réfugiés accueillis par le racisme et la violence les plus crasses, sur les militants, les pauvres et les minorisé(e)s, comme d'habitude. La pandémie mondiale se greffe là-dessus, attendue depuis longtemps, qui annonce ou provoque déjà un crash économique qui promet, salement, de rester dans les mémoires.

Serions-nous en pleine répétition avant la générale ? Le Big One aurait-il commencé comme un ensemble de glissements successifs signant la fin de notre ère ? Le courant « cyberpunk », sous-genre de science-fiction pré-apocalyptique, m'a appris à quel point la fin des mondes est un phénomène récurrent, permanent, un glissement marqué parfois, il est vrai, par des ruptures considérables. Je ne sais pas si nos mondes sont si fragiles qu'ils puissent s'effondrer sans crier gare, sans que nos biais cognitifs, nos habitudes de vie et nos infrastructures ne les fassent perdurer jusque bien après leur date de péremption ; mais une chose me semble claire : il n'y a pas de « fin de l'histoire », rien n'est jamais stable, tout s'écoule, tout continue. L'entropie ronge et la marée monte, puisque le temps passe.

Et si l'on nous annonçait, après X jours de confinement, que la maladie n'était pas arrêtable ? Que les stocks de nourriture ne reviendront pas, et si l'on ne nous annonçait plus rien du tout ? Les gens se tireraient-ils dessus comme dans les fictions apocalyptiques ? Au bout de combien de temps risquerait-on une sortie pour aller voir par nous-même ? L'imaginaire post-apocalyptique et collapso rejaillit très vite, par réflexe. Tel est « le frisson des classes moyennes supérieures » qui n'est jamais qu'un aperçu du quotidien de beaucoup d'autres, une peur qui se matérialise par l'appréhension du court terme qu'on avait appris à ne pas redouter - et souvent à ne même pas questionner. Pour moi le sentiment est nouveau, et j'y réagis avec plus d'angoisse que je ne l'aurais cru. L'excellent article de Julien Millanvoye dans PostAp Mag m'a heureusement rappelé que cette angoisse n'avait pas trop lieu d'être, puisque la vie n'a pas de sens, que la mort est proche et le glissement vers l'après, enclenché.

Il n'aura d'ailleurs pas fallu longtemps pour que cet après se préfigure sous la forme d'une exacerbation des rapports de domination, gerbants, lorsque des milliers de salarié(e)s et de travailleur(se)s pseudo-indépendant(e)s ont été contraint(e)s de travailler au mépris des appels élémentaires du corps médical, à poursuivre des travaux de BTP, acheminer des repas de bobos à domicile, des colis Amazon, etc. Des années d'invisibilisation du travail portent ici leurs fruits, et c'est sans surprise que l'on voit le désir des un(e)s continuer d'exposer les corps des autres - à grands renforts d'appels consuméristes à se tenir « en sécurité ».

Le futur à sale goût aussi lorsque fleurissent aux quatre coins du globe les lois et technologies liberticides qui trouvent la parfaite justification - dans des appels sanitaires justifiés - à l'emploi de leurs arsenaux de surveillance, reconnaissance faciale, tracking et autres déploiements policiers. La fin justifie les moyens, comme d'habitude là encore. C'est oublier un peu vite à quel point ces technologies et logiques-là étaient déjà à l’œuvre, fraîchement unboxées, un peu partout dans le monde et en France notamment. C'est oublier aussi à quel point il sera difficile, pour ne pas dire impossible, d'abolir ces saloperies une fois déployées. Elles seront devenues consubstantielles de nos villes et campagnes, imposées par la situation d'urgence avec l'Amen général, au même titre que les réformes sauvages de nos conditions de travail, acquis et droits élémentaires, lorsque se profilera un tardif retour à la « normale ». Ces technologiques disciplinaires, lois anti-sociales et anti-démocratiques, déployées dans l'urgence sans débat ni moindre recul ou éclairage éthique comme des solutions miracles, masquent difficilement leurs relents fascisants prétendûment consentis pour le « bien de tous ».

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Nos conditions de vie changent d'ores-et-déjà, avec le confinement et ce qui arrive derrière. Mais la catastrophe en elle-même me reste invisible, indiscernable dans les premiers rayons du printemps, une fois quittés les réseaux sociaux et sites d'actualité, les magasins dont les rayons se vident et les rues désormais interdites. Quand la crise économique frappera, « massive, brutale » pour citer Édouard Philippe, je suppose que l'effet du coronavirus sur mon quotidien sera plus palpable. Les indépendants trinquent en premier, il paraît.

Mais il convient pour l'heure de penser vraiment, vraiment, à celles et ceux qui se trouvent au cœur du cyclone, dont le plus gros est à venir, et qui commencent à tomber pour certain(e)s : personnels médicaux et administratifs des hôpitaux, maisons de retraites, ambulanciers, infirmiers, pompiers, médecins et assimilés en ville, paramédicaux, agents de commerce, d'entretien et autres « soldats » de première ligne qui se trouvent piégés à risquer leurs vies sans qu'on puisse dire s'ils sont héro(ïne)s ou victimes de la situation. Sans doute que les deux sont indissociables. Qu'ils soient à jamais remerciés de faire leur possible.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Je partage mon quotidien entre le travail, malgré le ralentissement des travaux habituels un certain nombre de projets au long court pourraient trouver dans cette crise les plages de temps qu'ils nécessitent, et les moments supposés m'aérer le cerveau. Or je suis assez obsessionnel et la tentation-culpabilité d'être « productif » me poursuit en permanence. Mon temps d'écran quotidien est proche des 100% de mon temps éveillé et je suis continuellement à côté de mon ordinateur qui constitue une attraction permanente contre laquelle lutter pour ne pas devenir fou. J'ai mis quelques jours à restreindre les réseaux sociaux à 30 minutes par jour - avec un logiciel de blocage anti-addiction.

J'essaie enfin de tisser des liens avec celles et ceux qui se trouvent confiné(e)s seul(e), dans de petits apparts, pour plusieurs semaines. Nous avons monté des rendez-vous téléphoniques, ou de jeux en ligne, des jeux de rôle textuels... Internet peut être un espace incroyablement créatif et multidimensionnel dès lors qu'on quitte le carrée infernal Facebook / YouTube / Gmail / Twitter. L'occasion est bonne de nous le rappeler pour maintenir vives nos relations et se soutenir mutuellement. De très nombreuses propositions culturelles gratuites s'ouvrent progressivement en ligne, mais rien ne remplace le contact humain.




JEAN-MICHEL TRUONG

Pionnier de l’intelligence artificielle, consultant en innovation et spécialiste de la Chine, Jean-Michel Truong est aussi l'auteur de plusieurs essais et romans, au travers desquels il s'interroge sur le devenir de notre espèce et des sociétés humaines.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

J’y vois une opportunité rare d’observer les ressorts les plus intimes de notre société, une occasion unique dans une vie de – selon le vœu de Nietzsche – « philosopher à coups de marteau », le virus étant l’instrument de cette auscultation. Il cogne comme sur des cloches sur nos routines, sur notre inconscient collectif, sur les desseins secrets de nos politiques, sur l’impensé engrammé dans nos institutions, et la musique qu’elles renvoient – la diversité des sons évoqués en frappant de manière simultanée partout sur la planète – en dit long sur notre civilisation. Cette « Symphonie du temps présent » donnera à penser aux générations de philosophes à venir.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Pratiquement aucun. La vie d’un intellectuel est recluse par construction. Avec un progrès notable : Internet et les réseaux sociaux permettent de rester présent au monde tout en se tenant à l’écart. Quant à moi, j’utilise Facebook comme une sorte d’herbier où je collectionne les spécimens remarquables cueillis çà et là au gré de mes promenades virtuelles, avec les réflexions qu’ils m’inspirent. C’est en accès public, mais le commentaire est réservé aux « amis ».

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Profitons-en pour retrouver et cultiver ce qu’il subsiste d’humain en nous.




© Annette Frick

ANNE VAN DER LINDEN

Peintre et dessinatrice française, impliquée dans l'édition alternative, Anne Van der Linden exprime au travers de son travail pictural, aussi sauvage que symbolique et surréaliste, les tensions à l'œuvre entre les pulsions de la psyché humaine et les normes sociales.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu'en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

Je ressens fortement notre communauté humaine, le lien de l'espèce au delà des différences et c'est émouvant.

Bien sûr, cet état de guerre sans ennemi visible m'inquiète, une situation inconnue à laquelle il faut s'adapter pour survivre. D'autant plus difficile que nous avons vécu en France et en Europe dans un grand confort depuis près d'un siècle.

Les institutions ont la Chine et l'Italie comme exemples de gestion de crise, et apparemment dans ces deux cas le confinement a porté ses fruits. C'est la seul piste viable pour l'instant. L'état est dans un rôle presque caricatural de père de la nation, nous remettons nos vies entre ses mains. On verra dans l'avenir si les bons choix ont été faits

Quant aux concitoyens certains ont du mal à admettre les choses, on me dit que dans les cafés fermés, les gens s'entassent, sans lumière, sous le rideau de fer baissé. C'est hallucinant d'inconscience!

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Ma vie est déjà une espère de quarantaine, donc il n'y a pas grand chose de changé. Par contre, j'ai du déprogrammer trois expositions, et c'est une catastrophe pour moi.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

Pour mes déplacements je prends le métro aux heures creuses, sinon j'utilise une trottinette.

Je travaille chez moi donc c'est facile, mais il me manque du matériel, je vais devoir essayer d'autres techniques. C'est peut être la meilleure conséquence de cette expérience funeste : nous devons repenser nos vies.

On peut aussi faire un gros ménage de printemps, c'est la saison, ou baiser pour les couples, ça fera une génération Covid-19.



© Anne Van der Linden




DAMIAN WEBER

Musicien et producteur, Damian Weber enflamme les scènes alternatives au micro de BAK XIII, redoutable formation electro, pop et punk genevoise, lorsqu'il n'officie pas derrière le comptoir de La Citadelle, magasin de disques dans un bar underground.

Comment réagissez-vous à cette pandémie ? Qu’en pensez-vous et que pensez-vous de sa gestion par nos institutions, ainsi que des réactions de nos congénères humains ?

J’ai maintenant un prétexte pour éviter toute sorte de gens désagréables. Nous vivons une situation très inédite. Les mesures prises par les autorités sont assez radicales en ce qui concerne mon pays la Suisse et on demande aux gens de se responsabiliser et d’ajuster leur comportement en appliquant certaines règles d’hygiène et de comportement. Cette responsabilisation est assez inédite, car en général on prend beaucoup les gens par la main. Évidemment, il y’a toujours des idiots qui se ruent dans les supermarchés, acheter des réserves de denrées diverses et peu utiles.

En cas d’apocalypse, je pense que les pâtes, c’est risqué, parce que sans eau et / ou sans moyen de la chauffer, ce n’est pas très bon, ni très pratique.

Quel est l’impact du coronavirus sur vos activités et votre quotidien ?

Nos concerts ont été annulés et le bar où je travaille est pour le moment limité à cinquante places. Il est probable que nous soyons contraints de fermer, dans les jours à venir. Alors, nous aurons une ville morte, le soir, ça risque de rendre l’ambiance générale encore plus étrange qu’elle ne l’est déjà. J’imagine que ça pourrait faire le bonheur de quelques photographes inspirés.

Entre prise de risque et confinement, comment organisez-vous votre quotidien ? Et quels sont vos conseils à l’usage de nos lecteurs pour passer le temps durant ce ralentissement des activités humaines ?

En tant que barman, je suis très exposé, nous essayons d’avoir une hygiène et un comportement adapté en attendant les prochaines décisions.

Quant au confinement, ça laisse du temps pour créer, lire ou jouer. C’est l’aspect positif, les gens vont retrouver une certaine notion du temps que l’activité professionnelle avait éclipsée jusque-là.



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Titre : CORONAVIRUS « UN INSTANTANÉ DE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19 »
Auteur(s) :
Genre : Interview
Copyrights : La Spirale.org - Un eZine pour les Mutants Digitaux !
Date de mise en ligne :

Présentation

Comme à l’occasion d’autres grandes crises - plus ou moins sérieuses - de ces dernières années, qu’il se soit agi du fameux « bug » de l’an 2000, des attentats du 11 septembre 2001, du crash financier de 2008 ou de l’apocalypse maya du mois de décembre 2012, La Spirale a fait tourner un court questionnaire autour de la pandémie du coronavirus (Covid-19).

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