PHILIPPE LAURENT « NOCTURNES »


Enregistrement : 17/01/2022

Sorti au mois de novembre 2021 sur le label Schwerkraft Records, le nouvel album de Philippe Laurent fait figure de chef d'œuvre inclassable. Nocturnes, le bien nommé, nous entraîne dans une longue déambulation onirique, toute en tendresse et subtilité, à l'écart du temps et des modes. Un disque aussi rare que magique, où l'auditeur croise les fantômes de Kraftwerk, de Federico Fellini et les échos d'un avenir oublié.

Artiste plasticien, musicien et compositeur d'opéras multimédias, Philippe Laurent fait partie des pionniers de la musique électronique en France depuis le début des années 1980.

Parmi sa discographie, on peut citer les cassettes Hot Bip (1983) et Système clair (1984), l'album Faste Occidental (1993), Hot Bip, disque de réédition de ses productions du début des années 1980 édité en 2011 par Minimal Wave (USA), Exposition 1 (2013) et Exposition 3 (2015) parus au Canada et en Allemagne, Cassettes (2015) chez Serendip Lab (France) et enfin Mithra (2015) chez Peripheral Minimal (Royaume Uni).


Propos recueillis par Laurent Courau.




Quelle fut la source d’inspiration de Nocturnes et de ses neuf morceaux, dont on note que la tonalité tranche avec tes productions précédentes ?

J'ai commencé à travailler le premier volet de Nocturnes avec peu d'éclairage dans le calme de la nuit. Cela m'a amené à réaliser des sons plus doux que dans mes productions précédentes et avec des rythmiques moins marquées. Et j'ai continué ainsi avec les morceaux suivants de ce projet, pour accentuer la dimension onirique je crois.

Est-ce que tu as modifié ta façon de procéder pour ce nouveau disque ? Il me semble entendre plus de guitares, mais ta manière de travailler le son fait que l’on ne sait plus à quel instrument se vouer ! (sourire)

Oui, il y a beaucoup de passages joués à la guitare électrique, guitare au son très transformé.

Il y a aussi une basse électro-acoustique sur certaines pièces, « Nocturne 05 » par exemple, mais les synthétiseurs dominent volontairement l'ensemble. J'ai aussi travaillé à créer une osmose entre les instruments en traitant toutes les pistes avec de nombreux effets et des EQ fines.

En fait il me semble que j'ai toujours le même processus d'écriture et de production, avec l'ambition d'échapper aux genres pour affirmer un style.



L’ambiance de Nocturnes m’évoque une bande-son de film. On se prend à imaginer des séquences de déambulation… nocturne. Quelque chose d’un Fellini post-moderne pour la douceur, mais résolument contemporain par ses sonorités électroniques. Quels sont les réalisateurs dont tu imaginerais ces morceaux accompagner les images ?

Oui, Fellini, la scène des fresques dans Roma. Je pense aussi à L’Homme à la caméra de Dziga Vertov pour le mouvement et aux films expérimentaux de Moholy-Nagy. J'imagine que les sons brumeux de « Nocturne 04 » fonctionnerait bien avec le Thais de Bragaglia.

J'aurais peut-être pu citer Empire de Warhol, mais huit heures c'est trop long (sourire).

Nocturnes est un disque que j’aime particulièrement écouter au casque en me déplaçant, que ce soit en marchant dans les rues parisiennes ou en voyageant en train, par exemple. Pour utiliser une autre analogie que celle du cinéma, quels genres de lieux conseillerais-tu d’apprécier de ces compositions ?

Une visite de la chapelle du châteaux de Chambord en écoutant « Nocturne 03 ».

Les anciennes Forges de Trignac pour « Nocturne 06 ».

Pour les dames célibataires, je conseillerais l'écoute de « Nocturne 07 » le soir couchées dans leur lit avec leurs chats, à un volume pas trop élevé car ils ont l’ouïe sensible. (sourire) 



La pochette de Nocturnes reprend des extraits de ta production picturale. Peux-tu nous toucher un mot de ta peinture et notamment de ce surprenant alphabet imaginaire que l’on retrouve sur la plupart de tes tableaux ?

C'est un travail pictural sur la perception des signes. Des « calligraphies » abstraites et gestuelles à mi-chemin entre figuration et abstraction évoquant des écritures et certains symboles ancestraux qui me semblent être en rapport avec ma façon d'écrire la musique.

Pour faire plus intello (sourire), je dirais que ce jeu sur l'ambiguïté de ces « idéogrammes » pose la question fondamentale du statut ontologique du texte dans nos sociétés occidentales.

Nocturnes est ta seconde sortie sur le label Schwerkraft Records, qui avait sorti ton hommage à Richard Pinhas, en collaboration avec Airworld. À quand remonte votre rencontre et comment s’est déroulée cette collaboration ?

C'est vers 2003 environ que j'ai été pour la première fois en contact avec Karim Gabou, le créateur du label Schwerkraft Records. Il avait découvert un des mes morceaux sur une compilation vinyl belge des années 80, I Spy My Little Eye, à diffusion très très limitée.

Karim a une immense culture musicale, ce qui est rare pour un Français disons-le, et une grande curiosité. Il en a fallu beaucoup pour trouver ma musique en 2003 car mon travail était très peu diffusé, c'était avant la sortie de mon album Hot-Bip sur le label Minimal Wave en 2011.

Depuis nous avons fait ensemble des DJ sets en 2012 et des concerts en 2014. Ensuite Karim a lancé son propre label pour produire le vinyl Considérations inactuelles en 2016.

Pour connaître ton appétit de travail, j’imagine que tu ne t’es pas mis en pause avec la sortie de Nocturnes. Quels sont tes nouveaux projets musicaux ou tes nouvelles envies artistiques ?

En effet plusieurs projets en cours mais toujours à long terme. Les morceaux de Nocturnes ont été composés et enregistrés de 2018 à 2020.

Je passe beaucoup de temps à composer et à fabriquer chaque son, et encore plus au mixage final.

Il me semble plus intéressant de passer plus de temps à composer une musique et plus créatif de sortir moins de disques pour que chaque réalisation ait un contenu plus riche et plus durable.




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Titre : PHILIPPE LAURENT « NOCTURNES »
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Sorti au mois de novembre 2021 sur le label Schwerkraft Records, le nouvel album de Philippe Laurent fait figure de chef d'œuvre inclassable. Nocturnes, le bien nommé, nous entraîne dans une longue déambulation onirique, toute en tendresse et subtilité, à l'écart du temps et des modes, où l'on croise les fantômes de Kraftwerk et de Federico Fellini.

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